Affaire Orpéa : pour une vraie commission d'enquête parlementaire
15 févr. 2022
Pour une vraie commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Orpéa, tel est le titre de la tribune parue ce jour dans Le Monde que j'ai cosigné avec des nombreux parlementaires, des représentants des organisations syndicales et des représentants des collectifs de familles et de personnels.
"Toutes et tous, nous avons été profondément choqués par les révélations du livre « Les Fossoyeurs » de Victor Castanet. Loin de révéler des actes de maltraitance isolés, son auteur dénonce l’existence au sein du groupe Orpéa d’un système industrialisé de réduction des coûts. Un tel système, s’il était avéré, impliquerait des conséquences directes sur la qualité de la prise en charge de dizaines de milliers de personnes âgées ainsi que sur les conditions de travail de milliers de collaborateurs du groupe.
Un certain nombre de pratiques dénoncées dans cet ouvrage nous interrogent : le groupe Orpéa a-t-il effectivement mis en place un rationnement des produits de santé, notamment des protections, avec les impacts sur la dignité et la santé des personnes âgées qui y sont dévoilés ? A-t-il rationné les produits d’alimentation en imposant à ses résidences un coût repas journalier d’environ 4 euros par jour et par personne, soit moins d’un euro par repas ? A-t-il eu, comme le rapporte l’auteur, une gestion pour le moins critiquable de l’argent public qui lui était alloué chaque année par les Agences Régionales de Santé et les Conseils départementaux ?
Les accusations contenues dans cet ouvrage sont graves. Elles s’appuient sur les témoignages de plus de 250 personnes dont un nombre conséquent d’anciens salariés du groupe Orpéa et de nombreux documents.
Face à ces accusations, toute la lumière doit être faite. Plus largement, un débat public doit s’ouvrir sur la question complexe de la prise en charge de la dépendance de nos aînés, de son financement et de ses métiers durs.
Seule une commission d’enquête parlementaire permettrait d’auditionner immédiatement et sous serment les dirigeants du groupe Orpéa, faisant dès lors peser une responsabilité pénale sur leurs propos, et de se faire communiquer tout document qu’elle jugerait utile. De telles garanties interdiraient les réponses floues et imprécises qui ont été apportées par ces mêmes dirigeants lors de l’audition à l’Assemblée nationale le 2 février 2022.
Cette commission d’enquête parlementaire nous paraît dès lors absolument nécessaire. Nous demandons solennellement ici de la créer !
Le lancement de cette commission d’enquête parlementaire à l’Assemblée nationale ne serait pas contradictoire avec celle que le Sénat vient d’annoncer, dont le périmètre concerne la politique de contrôles des EHPAD et non les pratiques du groupe Orpéa.
Elle ne serait pas non plus contradictoire avec la suspension des travaux à l’Assemblée nationale à la fin du mois de février. Une commission d’enquête parlementaire a toute latitude pour se réunir en dehors des sessions parlementaires.
Rien ne fait donc obstacle à la création de cette commission d’enquête parlementaire. Au contraire, elle est d’une impérieuse nécessité. Dans notre histoire récente, tous les scandales sanitaires, de la crise de la « vache folle » en 2001 à la gestion de la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) en 2010 en passant par celle de la canicule en 2003 ont débouché sur une commission d’enquête parlementaire.
Sans attendre, la Nation, par l’intermédiaire de ses représentants, doit interroger les dirigeants du groupe Orpéa. Sans attendre, la Nation doit comprendre comment ce groupe a géré son argent, de l’argent public. Sans attendre, si les pratiques dénoncées sont avérées, la Nation doit entendre son administration pour comprendre comment elles ont pu se produire.
Pour établir les faits et déterminer les réformes à mener pour prévenir tout futur scandale, il est urgent que l’Assemblée nationale crée une commission d’enquête parlementaire sur l'affaire Orpéa !
Nous le devons aux résidents, aux familles et à tous les personnels de ces EHPAD."
Liste des cosignataires
Les députés suivants :
L’ensemble des députés membres du groupe “Socialistes et apparentés” : Valérie Rabault (Présidente), Christine Pirès-Beaune, Joël Aviragnet, Marie-Noëlle Battistel, Gisèle Biémouret, Jean-Louis Bricout, Alain David, Laurence Dumont, Olivier Faure, Guillaume Garot, David Habib, Christian Hutin, Chantal Jourdan, Régis Juanico, Marietta Karamanli, Gérard Leseul, Josette Manin, Philippe Naillet, Dominique Potier, Claudia Rouaux, Isabelle Santiago, Hervé Saulignac, Sylvie Tolmont, Cécile Untermaier, Hélène Vainqueur-Christophe, Boris Vallaud, Michèle Victory.
L’ensemble des députés membres du groupe “Gauche démocrate et républicaine” : André Chassaigne (Président), Moetai Brotherson, Alain Bruneel, Marie-George Buffet, Pierre Dharréville, Jean-Paul Dufregne, Elsa Faucillon, Sébastien Jumel, Manuéla Kéclard-Mondésir, Karine Lebon, Jean-Paul Lecoq, Jean-Philippe Nilor, Stéphane Peu, Fabien Roussel, Hubert Wulfranc.
L’ensemble des députés membres du groupe “La France Insoumise” : Mathilde Panot (Présidente), Clémentine Autain, Ugo Bernalicis, Éric Coquerel, Alexis Corbière, Caroline Fiat, Bastien Lachaud, Michel Larive, Jean-Luc Mélenchon, Danièle Obono, Loïc Prud’homme, Adrien Quatennens, Jean-Hugues Ratenon, Muriel Ressiguier, Sabine Rubin, François Ruffin, Bénédicte Taurine.
Ainsi que Jeanine Dubié (Libertés et Territoires), Annie Vidal (La République en Marche), Sandrine Josso (Modem), Pascale Fontenel - Personne (Modem), Yolaine de Courson (Modem), Annie Chapelier (Agir ensemble), Paul Christophe (Agir ensemble), Valérie Petit (Agir ensemble), Stéphane Viry (Les Républicains), Isabelle Valentin (Les Républicains) et Albane Gaillot (Non inscrite).
Les représentants des organisations syndicales : Laurent Berger (Secrétaire général de la CFDT), Philippe Martinez (Secrétaire général de la CGT), Yves Veyrier (Secrétaire général de Force Ouvrière) et Françoise Geng, (vice-présidente de la Fédération syndicale Européenne des Services Publics).
Les représentants des collectifs de familles et de personnels : Patrick Collardot, association TouchePasMesVieux, Annie Rousseau, Collectif EHPAD Familles 42, Philippe Prince-Demartini, association FAVICOVID, Sara Piazza, collectif Vital, Julie Grasset, collectif CœurVide 19, Collectif “ Aidons nos Aînés”, Association “Asfapade ”, Collectif “ Tenir ta main “, Jean-Louis Genest, collectif Nos Proches en EHPAD, Franche Comté, Mme Joëlle Bertrand, collectif Transparence, Collectif “Les Lilas”, Ehpad “les terrasses des Lilas” du groupe Orpéa, Laurent Garcia, association Observatoire du Grande Âge, Maître Fabien Arakelian, avocat de familles de pensionnaires Orpéa, Maître Sylvia Lasfargeas, avocate d’anciens salariés Orpéa et Sylvie et Thomas Mitsinkides, fille et petit-fils de Françoise Dorin.
Lire la tribune dans Le Monde.